Contes spirituels pour un monde nouveauL’aventure de la famille Morassa (format pdf)On disait que la famille Morassa avait vécu sur des bancs salés au large de la vaste mer que certains villageois croyaient disparue. Selon eux, des vents furieux avaient balayé les eaux, et il ne restait qu’une immense surface durcie et laiteuse. Toutefois, d’autres villageois savaient que la réalité était tout autre. La mer, vaste et turquoise aux vagues fortes et puissantes, s’étendait à l’infini vers le nord-est. Il était impossible d’en mesurer la distance ; d’ailleurs comment pourrait-on mesurer l’infini ? Cette mer s’étendait, belle et sans limites, à des années-lumière des prés et de l’immense forêt de Mareithia. Kye Morassa, le père, un grand et bel homme au regard empreint de douceur, suivait le sentier qui menait à la forêt, le bras droit entourant les épaules de son fils. De temps en temps, il serrait plus étroitement Berma contre lui. Pela, son épouse, était en tête. Elle était aussi grande que lui et c’était une femme courageuse. Cela ne faisait même pas un an qu’ils avaient perdu leur seule fille. La famille Morassa avait pris la décision de quitter le village situé de l’autre côté des montagnes où elle avait vécu de nombreuses années et où Berma était né. Les habitants avaient accueilli chaleureusement ces étrangers à leur arrivée. La famille y serait restée si leur fille n’était pas décédée des suites d’une maladie. Kye et Pela, ne pouvant souffrir de vivre plus longtemps dans cet endroit qui sentait le malheur, avaient quitté le village sans avoir fait de plan et sans leur fille. Ils fondaient maintenant tous leurs espoirs en Berma. La nuit s’annonçait et la piste recouverte d’herbe était baignée de rosée et ruisselait d’une lumière rose orangée. « Nous devons trouver un abri », dit Kye doucement. « Entrons dans la forêt ». Pela hocha la tête en signe d’assentiment et commença à se frayer un passage entre les chênes et les pins. Finalement, ce fut Berma qui trouva un petit espace découvert dans la forêt claire et odorante. Les oiseaux déployèrent leurs ailes frissonnantes et les accueillirent de leurs pépiements joyeux. Sans le savoir, la famille était attendue depuis des mois dans la forêt. Ils arrangèrent un lit confortable dans les aiguilles de pin que le soleil de septembre avait réchauffées, mangèrent quelques fruits tirés de leur sac et se préparèrent à observer la lune qui se levait, ronde et laiteuse, dans le ciel nocturne. Dans cet endroit, qui dégageait grâce et beauté, le coeur de Pela et de Kye se remplit d’amour. Ils se sourirent, embrassèrent Berma et s’allongèrent pour la nuit. Les oiseaux s’endormirent, leur tête minuscule délicatement posée sous une de leurs ailes. Il arrive parfois que les arbres de la forêt et que le lac d’or se fassent les complices de la lune lorsqu’elle est pleine. C’était le cas cette nuit-là. Tout à coup, un murmure étouffé s’éleva et une gigantesque force monta majestueusement des profondeurs de la Terre pour se déployer de la gauche vers la droite de façon à encercler la forêt. À l’extérieur, Mareithia demeurait inchangée, mais à l’intérieur, elle scintillait d’une lumière éclatante. Les arbres argentés étaient devenus translucides ; les eaux du lac s’étaient transformées en cristaux liquides ruisselant de la lumière la plus pure et tout ce qu’ils touchaient prenait une élégante forme géométrique d’une beauté inégalable. Le souffle des arbres faisait danser des fées de la taille d’un cône de pin, minuscules et parfaitement formées, tandis que des visiteurs des profondeurs de la terre et de l’arc-en-ciel le plus élevé célébraient cette nouvelle nuit en dansant et en chantant. La forêt était imprégnée d’un parfum de roses blanches. Quelque chose tira Berma d’un sommeil très profond. Il roula sur lui-même, balaya une aiguille de pin sous son nez, ouvrit les yeux et vit dans l’obscurité une forme humaine enveloppée d’une lumière rose et or. C’était magnifique. De plus, cette forme lui était familière. Frémissant d’excitation, Berma secoua ses parents qui dormaient profondément. « Réveillez-vous », murmura-t-il d’une voix pressante. « Réveillez-vous. Nous avons de la visite ». Ses parents s’éveillèrent immédiatement et suivirent du regard l’endroit que Berma pointait. Voilà qu’elle était là, une magnifique lumière qui revêtait une forme humaine. Norra. Leur fille. « Chut », dit Norra tout doucement, un index scintillant sur les lèvres. « N’ayez pas peur. Je suis réellement ici ». Les membres de sa famille étaient si intimidés et si surpris qu’ils ne pouvaient faire un seul geste. Finement et délicatement, Norra continua à parler. « Quand vous pensez à la mort, vous pensez que vous m’avez perdue. Ce n’est pas le cas. Je suis simplement ailleurs. Cet endroit est nourri grâce à vos pensées et à votre amour. L’univers entier ne représente qu’un battement de coeur dont l’essence est amour. Si vous demeurez dans cet amour, vous me verrez et vous serez avec moi, car c’est là que je suis, dans l’amour ». Tenant trois objets à la main, elle s’approcha tout près de sa famille. Elle embrassa tout d’abord Berma et lui dit doucement : « Avec cette pierre, je te donne le courage d’aider ta mère et ton père. » Puis en embrassant Kye, elle murmura : « Avec cette feuille, je te donne la capacité de prendre soin de notre famille et d’un grand nombre de personnes qui te demanderont de l’aide. » Enfin, se tournant vers Pela, elle lui murmura à l’oreille : « Avec cette fleur, je te donne l’amour qui va te permettre de devenir le chef d’une collectivité que vous allez former », puis elle embrassa sa mère en guise d’au revoir. Le soleil était déjà haut dans le ciel quand la famille Morassa s’éveilla. Chacun avait envie de dire aux autres : « J’ai fait le rêve le plus étrange à propos de Norra », mais par timidité, personne n’osa le faire. Aucun des membres de la famille ne parla de ce qui s’était passé cette nuit-là. Discrètement, Berma mit la pierre dans sa proche, Kye plaça sa feuille dans son sac et Pela mis la fleur dans ses cheveux, de sorte que tout le monde puisse la voir. Pendant longtemps, personne ne parlerait de la visite de Norra. Toutefois, chacun avait compris que la mort n’est qu’une utopie. L’amour, comme un battement de coeur, peut ramener n’importe qui de n’importe où dans un esprit pur et droit. Berma, Kye et Pela se sourirent, terminèrent un petit déjeuner frugal puis quittèrent la forêt le cœur débordant de gratitude alors que les oiseaux préparaient leur concert de l’après-midi. Une nouvelle journée avait commencé et tout était bien ainsi.
Traduction par Michèle Lessard lessardmichele@videotron.ca
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